Vous êtes à l’aise avec l’autorité ?

On n’y met pas tous les mêmes choses, on l’incarne ou pas, on s’y soumet ou on s’en méfie… Dans le monde professionnel, et notamment chez les managers, cette notion questionne. Qu’est-ce que l’autorité ? Comment la vivez-vous ?

Le sujet est vaste, il touche à de nombreuses notions. Voici quelques extraits d’une discussion entre collègues managers :

« C’est la capacité à se faite respecter et à faire faire ce qu’on veut aux personnes auprès de qui on a autorité ». 

« L’autorité est forcément négative »… « Pas forcément, du fait de l’autorité naturelle, du charisme, de la force de persuasion… »

« Elle est composée de 2 choses différentes. Celle conférée par la position hiérarchique et qui est donnée au départ du « jeu » et celle qui se crée dans la relation à l’autre et que lui accepte de reconnaître. Cette dernière est plus compliquée et mouvante : c’est un mélange de légitimité et de confiance qui se construit (et peut se déconstruire) chaque jour…» 

La définition usuelle (Larousse) distingue trois aspects.

  1. Pouvoir de décider ou de commander, d’imposer ses volontés à autrui
  2. Ensemble de qualités par lesquelles quelqu’un impose à autrui sa personnalité, ascendant grâce auquel quelqu’un se fait respecter, obéir, écouter
  3. Crédit, influence, pouvoir dont jouit quelqu’un ou un groupe dans le domaine de la connaissance ou d’une activité quelconque, du fait de sa valeur, de son expérience, de sa position dans la société

La notion d’autorité interroge d’autres thèmes : le pouvoir, l’autoritarisme, l’obéissance.

L’autorité n’est pas systématiquement le pouvoir

L’autorité correspond à une valeur reconnue, attribuée ou conférée. Elle peut donc être dissociée du pouvoir.
Dans les organisations, la structure hiérarchique définit les caractéristiques de l’autorité, plus on est en haut plus on a de l’autorité. Mais ceux qui sont en bas de la hiérarchie peuvent néan­moins avoir un pouvoir sur l’organisation s’ils contrôlent un élément important pour les autres (information ou expertise, par exemple) ou pour que l’organisa­tion puisse fonctionner. Les relations d’autorité ne suivent pas forcément les mêmes voies que les relations de pouvoir.

L’autorité fait peur car elle peut dévier vers l’autoritarisme

C’est le cas quand quelqu’un contraint physiquement et/ou psychiquement d’autres personnes pour qu’elles exécutent ses instructions. L’autorité, en ce qu’elle nécessite la légitimité, ne peut lui être associée. Ce distinguo permet de situer l’autorité au niveau de la valeur ; valeur reconnue par un groupe à une personne, une organisation, une institution, des mœurs ou des croyances.

L’obéissance doit avoir ses limites

L’obéissance correspond à l’attitude de la personne qui se soumet à l’autorité. Cette soumission peut être vécue comme dégradante ou saine, selon le tempérament de la personne, selon l’estime qu’elle a pour ce qui fait autorité, et notamment selon la démarche de celui ou celle qui fait autorité.

Ce sont les différences de tempérament, ainsi que les possibilités et les facultés de juger clairement du bien-fondé des ordres, qui permettent aux personnes de se situer par rapport à l’autorité (acceptation, résignation, refus, exécution irréfléchie, etc).

Les études en psychologie sociale ont démontré les dangers de l’obéissance à l’autorité, la capacité du plus grand nombre à se dédouaner de leur responsabilité face à des actes demandés par une auto­rité supérieure.

L’expérience menée par Milgram, maintes fois confortée par la suite*, a permis de mesurer le niveau d’obéissance à un ordre, même contraire à la morale de celui qui l’exécute, mais donné par une personne supposée compétente.

Citons également le travail d’Annah Arendt** sur l’analyse des mécanismes en œuvre dans l’obéissance de personnes qu’on ne peut considérer comme malades ou perverses, et qui commettent des actes extrêmes en obéissant à des ordres émanant d’une autorité sous laquelle ils sont placés.

Ma définition personnelle

En ce qui me concerne, l’autorité du manager doit être fondée sur sa capacité à :

  • Donner le cadre (ce qui inclut éventuellement rappeler les règles si besoin, liées à la vie en collectivité, mais pas seulement),
  • Analyser et prendre du recul,
  • Arbitrer et trancher,
  • Motiver.

Il doit le faire en considérant ses interlocuteurs comme étant des individus libres, capables de réfléchir, être en désaccord, refuser, tout en assumant les conséquences liées aux « règles du jeu », explicites ou implicites. Bref des personnes à part entière, en toute possession de leurs capacités d’adultes responsables.

Et en conclusion, je citerai Michel Serres***, précisant que le mot « autorité » vient du latin auctoritas, dont la racine se rattache au même groupe que augere, qui signifie « augmenter ». « Celui qui a autorité sur moi doit augmenter mes connaissances, mon bonheur, mon travail, ma sécurité, il a une fonction de croissance. La véritable autorité est celle qui grandit l’autre.»

Quelques sources :

*Psychologie de la manipulation et de la soumission, Nicolas Guéguen, 2015

**Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, Annah Arendt, 1966

***Petite Poucette, Michel Serres, 2012